Actualité Sociale octobre 22 - UPG

L’actualité sociale – Avril 2024

LES INFORMATIONS QUI ONT RETENUES NOTRE ATTENTION EN CE MOIS D’AVRIL 2024

LE COMPTE EPARGNE TEMPS UNIVERSEL – UNE BOMBE A RETARDEMENT POUR LE MEDEF

  • Après 3 mois et demi de discussions entre partenaires sociaux, la négociation interprofessionnelle au titre de l’article L1 du code du travail sur « l’emploi des séniors, les transitions et reconversions professionnelles, la prévention de l’usure professionnelle et le Compte Epargne Temps Universel (CETU) », n’a pu aboutir, du fait des positionnements trop éloignés entre organisations de salariés et d’employeurs.
  • Malgré cela, le Compte épargne temps universel (CETU) fait actuellement l’objet de négociations parallèles menées à l’initiative l’U2P ; après consultation de leurs instances, le MEDEF et la CPME ont refusé de participer à ces discussions (voir communiqué commun du Medef et de la CPME reproduit dans cette Newsletter).
  • L’U2P et les organisations de salariés se sont entendues sur un projet d’accord au sujet du Compte épargne-temps universel (CETU) à l’issue d’une séance de négociation, mardi 16 avril après-midi.
  • Ce projet de texte diffusé dans la presse, sans même avoir été communiqué au MEDEF, laisse entrevoir la mise en place d’un dispositif illisible, complexe, coûteux voire, sur certains aspects, dangereux pour les salariés et les entreprises. En outre, il passe sous silence des questions essentielles :

 

Des modalités d’alimentation du CETU par le salarié, sans garde-fou

Le fait qu’un salarié puisse « épargner » sur son CET universel des jours de congés ou de repos (5ème semaine du congés, tout type de congés conventionnels, jours RTT), sans aucun contrôle ni autorisation de l’employeur, conduirait de fait un salarié à imposer à l’employeur une hausse de son temps de travail alors même que l’activité de l’entreprise ne le nécessite pas à ce moment-là. A l’inverse, une utilisation des droits placés sans droit de véto réel de l’employeur pourrait conduire à diminuer le temps de travail effectif à des moments où l’activité de l’entreprise nécessiterait le contraire…

Le texte du projet d’accord :

« Le CETU est alimenté par le salarié qui pourrait y épargner « les jours de congé annuels légaux au-delà de quatre semaines, dans la limite d’une semaine par an » ; « les jours de congé conventionnels » ; « les jours de RTT non pris » ; « les heures supplémentaires » ; « toute prime de toute nature hormis celles liées aux conditions de travail difficiles » ; « les dispositifs de partage de la valeur (participation, intéressement, PPV…) » ».

Le principe du CET universel repose ainsi sur une gestion individualisée du temps de travail, au mépris de l’organisation collective du travail.

C’est un coup porté au pouvoir d’organisation de l’employeur, et donc, plus globalement, à la compétitivité des entreprises françaises alors qu’elles ont plus que jamais besoin de souplesse et d’agilité.

Une utilisation des droits épargnés à la main exclusive du salarié

S’agissant des modalités d’utilisation des droits épargnés, l’absence de possibilité pour l’employeur de refuser le départ en congé d’un salarié (dès lors le délai de prévenance, dont la durée varie de 1 à 6 mois en fonction de celle du congé, est respecté) qui ferait valoir ses droits nuira au bon fonctionnement des entreprises et à l’intérêt même des salariés en devenant un frein à l’embauche.

Le texte du projet d’accord :

  • La première version du texte transmise par l’U2P prévoyait que le CETU soit mobilisé par les salariés ayant « au moins deux ans d’ancienneté », pour deux motifs uniquement : l’accompagnement d’un proche en situation de fragilité, ou l’acquisition d’une qualification dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle.
  • Selon la dernière version du texte, « les conditions de mobilisation des droits inscrits sur le CETU dépendent de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ». De nouveaux motifs sont ainsi listés. Le CETU est mobilisé par le salarié, sans condition d’ancienneté, pour accompagner « en qualité d’aidant un proche, parent ou enfant, en situation de fragilité » ou pour « le prolongement d’un congé lié à l’arrivée d’un enfant ». Il est mobilisable par le salarié ayant au moins douze mois d’ancienneté consécutifs dans l’entreprise pour « l’engagement associatif ou citoyen ; l’acquisition d’une qualification dans le cadre d’un projet de transition-reconversion professionnelle à l’initiative du salarié ». « Au-delà de 36 mois d’ancienneté consécutifs dans l’entreprise, le salarié mobilise son CETU pour tout autre motif personnel », selon les partenaires sociaux. Un accord d’entreprise ou de branche professionnelle peut prévoir d’autres conditions d’ancienneté, sans que celles-ci soient inférieures aux durées listées.

D’où un coût pour l’entreprise, soit direct (impact sur la production) soit indirect (en cas de remplacement) du fait de l’absence du salarié.

Les motifs d’usage, ciblés dans le texte initial, ont été considérablement élargis dès 3 ans d’ancienneté : tous motifs possibles …y compris pour financer des départs anticipés à la retraite, en contradiction avec l’objectif de relèvement du taux d’emploi des seniors porté par le MEDEF et la CPME dans le cadre de la négociation, conformément au document d’orientation.

A ce titre, et sous seule réserve de respecter un délai de prévenance, le salarié pourra imposer à son employeur une prise de congés au titre des droits accumulés sur le CETU alors même que sa présence peut être nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise, notamment en cas de pic d’activité.

Cette absence aura forcément un impact en termes de production et donc de chiffre d’affaires… sauf à considérer que le salarié ne contribue pas à la production !

Pour l’entreprise qui décidera de remplacer le salarié pendant son absence afin d’éviter une baisse de la production, cela induira des frais en termes de recrutement et une hausse de sa masse salariale. Le remplacement lui-même peut être rendu particulièrement complexe compte tenu de difficultés de recrutement persistantes.

D’où un frein à l’embauche des salariés

La question de la transparence du stock de jours placés par un salarié sur son CETU n’est pas traitée dans le projet de texte de l’U2P, or cela demeure un point sensible de la mise en place d’un tel dispositif et pourrait constituer un frein potentiel à l’embauche. En l’absence de précisions dans le texte proposé par l’U2P, nous en sommes réduits à faire des hypothèses :

  • Dans le cas où le nombre de jours placés sur son CETU serait une information confidentielle – hypothèse la plus probable – un salarié pourrait être embauché par une entreprise et imposer ensuite à l’employeur des absences potentiellement longues dès le début de son contrat ; il est en tout cas à craindre que cela ne vienne « polluer » les échanges entre candidats et recrutements au moment de l’entretien…
  • Dans le cas où il y aurait une forme de transparence, une entreprise préfèrera embaucher un candidat dont elle sait qu’il ne risque pas de s’absenter pour une longue période dès le début de son contrat (autre que pour des motifs déjà prévus par le code travail bien entendu). Les salariés avec un stock de droits important sur leur CETU pourraient de fait être lésés.
  • En tout état de cause, qu’il y ait transparence ou non, les salariés seniors seront très vraisemblablement pénalisés car l’employeur présupposera qu’ils ont accumulé beaucoup de droits sur leur CETU. Cela va d’ailleurs à l’encontre de l’objectif affiché dans le cadre de la négociation : le relèvement du taux d’emploi de cette catégorie de salarié.
  • Dès lors que les droits placés sur le CETU seront portables d’une entreprise à l’autre, cette donne finira inexorablement par rentrer en considération dans le processus d’embauche, de manière formelle, ou informelle. De fait, ce sont donc les salariés qui seront pénalisés.

Une gestion contraignante et coûteuse pour l’employeur

Le texte de l’accord :

Le texte prévoit que « le salarié informe son employeur de sa volonté d’alimenter son CETU avant le 20 du mois au titre duquel le CETU sera alimenté ». Lorsque le salarié alimente son CETU, l’employeur verse à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) le montant qu’aurait dû percevoir le salarié. Le montant est recouvré « dans le cadre du prélèvement automatisé des cotisations sociales, mensuelles ou trimestrielles ». Une ligne de la DSN est prévue à cet effet pour le CETU. Le projet d’accord précise que « le CETU ne fait donc l’objet d’aucune démarche administrative supplémentaire par l’employeur », ni « d’aucune provision d’aucune sorte de l’entreprise ».

La gestion de l’alimentation des comptes des salariés entrainera nécessairement :

  • Des obligations administratives pour l’employeur afin d’organiser le traitement des demandes de dépôts des salariés sur le CETU, calculer et transmettre les sommes correspondantes à la CDC ;
  • Des impacts immédiats sur le trésorerie de l’entreprise avec une obligation de procéder au décaissement immédiat des sommes correspondant au paiement des CP ou des JRTT vers la CDC dès lors que le salarié souhaitera placer un droit à congés sur son compte là où, dans le cadre d’un CET « classique », l’entreprises procède par provisionnement des droits placés. De plus, dans le cas où le salarié épargnerait des droits et les utiliserait dans une autre entreprise, l’entreprise dans laquelle aurait été « créés » ces droits à congés se verrait appliquer une double peine : décaissement immédiat de sommes équivalentes aux droits à congés épargnés + paiement du salarié pour la période travaillée (maintien de son salaire).
  • Par ailleurs, l’accord ne comporte aucune indication les modalités de financement des frais de gestion de la CDC. Or, la gestion d’un tel dispositif complexe par un organisme tiers aura un coût évident qui devrait être payé par les contributeurs au système, et donc par les entreprises.

Un grand absent : les modalités de financement de la revalorisation des droits épargnés par les salariés Un sur leur CETU

Le texte de l’accord :

« La valeur des droits inscrits sur le CETU est indexée sur l’évolution annuelle du salaire horaire de base ouvrier-employé (SHBOE) et revalorisée chaque année en fonction de l’évolution du SHBOE de l’année précédente ».

Le texte ne donne aucune indication sur les modalités de gestion et de financement de cette revalorisation des droits épargnés sur le CETU qui nécessite pourtant d’instituer des mécanismes complexes à cet égard.

  • Doit-on comprendre que ce serait à l’entreprise dans laquelle seraient utilisées ces droits à congés revalorisés de prendre en charge ce surcoût ?
  • Cette revalorisation sera-t-elle financée par les excédents générés par le placement des sommes par la CDC ? Mais que se passera-t-il s’il n’y a pas d’excédents ?
  • Ou bien une nouvelle cotisation devra-t-elle être instaurée pour permettre cette revalorisation ?

En tout état de cause, on voit mal l’Etat financer cette revalorisation… le document d’orientation ayant clairement exclu d’ailleurs ce sujet du périmètre de la négociation.

Une entrée en vigueur de l’accord subordonnée à son extension à toutes les entreprises par le Ministère du Travail

Cela montre clairement que le souhait des potentiels signataires est de viser une transposition législative – et, par ce biais, une application à l’ensemble des entreprises – et l’absence explicite de volonté d’appliquer sans délai les dispositions de cet accord pourtant présenté comme « une mesure de progrès social et économique » aux entreprises adhérentes à l’U2P…

En d’autres termes : les signataires d’un tel accord, U2P en tête, décideraient pour autrui la mise en place d’un dispositif qui impacterait avant tout les adhérents du MEDEF et de la CPME et leurs salariés.

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